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Rafale, le catamaran Classe C de l’ETS à la Little Cup

Rafale, le catamaran Classe C  de l’ETS à la Little Cup

Une vingtaine d’étudiants de l’École de Technologie Supérieure ont conçu et fabriqué un catamaran pour participer à la 27e édition du championnat du monde de la Classe C à Genève. Il s’agit d’une première participation d’une équipe étudiante dans l’histoire de la compétition. Un tour de force qui mérite un grand coup de chapeau.

 Le Projet catamaran Class-C Rafale  a débuté à  l’automne 2013 à Montréal lorsqu’une équipe de l’École de Technologie Supérieure (ÉTS) décide de se lancer dans la conception et la construction d’un catamaran de type Classe C. Un projet colossal qui va nécessiter deux années de labeur acharné pour parvenir sur la ligne de départ de la 27e édition de la Little Cup à Genève le 12 septembre 2015.

La Little Cup a vu le jour en 1961. Elle fut dès sa fondation un laboratoire technologique avide d’innovations. Au premier abord, concevoir et construire un Catamaran de Classe C peut paraître simple. Après tout, le règlement de la classe tient sur une seule page. Le bateau ne peut dépasser 25 pieds de long par 14 de largeur et porter plus de 300 pi2 de surface vélique. Ces règles simples édictées en 1960 n’ont jamais été modifiées et les seules limites sont celles de l’imagination des équipages!

Derrière cette simplicité se cache en fait un défi hors normes. Construire un bateau qui rencontre les règles de la classe est simple. Mais construire un bateau compétitif ne l'est pas! La classe est une source d'innovation continue. On retrouve son influence partout, des catamarans de sport à ceux de la Coupe de l'America. Chaque nouvelle génération de Classe C amène son lot d'améliorations.

Un Classe C ne porte pas de voile, mais une aile rigide, comme celle d’un avion orientée à la verticale. Nés dans les années 1970 pour repousser les limites de performance imposées par les voiles traditionnelles, ces gréements hautement techniques permettent d'augmenter considérablement la puissance générée tout en réduisant la trainée qui ralentit le bateau. Dans des conditions de vent faible, le Classe C devient une arme redoutable aux accélérations fulgurantes. La rigidité de la voile et l'absence de foc se traduisent aussi par une réduction de la charge appliquée dans les haubans vers la structure porteuse. Ce qui permet d’alléger celle-ci au point où un Classe C moderne pèse moins de 200 kg prêt à naviguer, pas tellement plus que son équipage. La Classe C a aussi appris de la dernière édition de la Coupe de l’America que les hydrofoils avaient la capacité de permettent de soulever entièrement le bateau hors de l'eau. Une caractéristique qui réduit drastiquement la trainée et génère des pointes de vitesse vertigineuses. Un Classe C peut naviguer jusqu'à trois  fois la vitesse du vent! Dans ce contexte, le développement et la construction d’un Classe C compétitif par une équipe universitaire, dans un délai de moins de deux ans, représentait un challenge considérable, pour ne pas dire insurmontable. C'est pourtant le défi que s'est lancé l'équipe Rafale.

L’équipe menée par Sylvain Viallon  a reçu l’appui de Julien Chaussée, ancien membre de l’équipe du Classe C britannique Invictus et de Simon Joncas, professeur à l’ÉTS et spécialiste en matériaux composites. Deux anciens membres de l’équipe canadienne de 49er, le barreur Marc Farmer et l’équipier Tej Trevor Parekh ont été recrutés comme personnel naviguant pour les dix jours de la compétition.

Réunir le budget de 140 000 $ nécessaire à la réalisation du projet pour amener le catamaran sur la ligne de départ en Suisse ne fut pas une mince affaire. Le partenariat de plusieurs entreprises qui ont mis à  notre disposition des services et des matériaux  à la fine pointe de la technologie nous a permis de terminer la construction dans les délais requis, malgré toutes les difficultés rencontrées. Le marathon de construction navale aura finalement duré huit mois sans interruption. Un rêve qui s’est finalement réalisé au terme de 8000 heures de travail, petit à petit, dans la minutie et la bonne volonté, aux prix de semaines qui semblaient ne jamais finir et de nuits de sommeil extrêmement courtes.

 

Un défi de conception

Dès le début, il était clair qu’un concept totalement exotique et innovateur représentait une tâche trop ardue pour une première campagne, et ce, même pour une équipe d’ingénieurs chevronnés. L’objectif consistait donc à concevoir un bateau simple qui reprendrait des principes fondamentaux reconnus des Classe C contemporains. La forme des coques représente une fusion de plusieurs designs modernes, dont celui d'Invictus et des AC72. Le volume des coques a été réduit au maximum pour améliorer les performances, l'objectif étant de voler le plus possible sur les hydrofoils. Ces derniers reprennent la forme en J ou Up-Tip inventée par l'équipe Néo-Zélandaise de  la Coupe de l'America (ETNZ) en 2013. Le développement des foils a été réalisé en partenariat avec Mystère Composites, une entreprise québécoise qui souhaitait développer ce type de structure pour son catamaran de sport Espadon. Leur conception a été adaptée pour autoriser un décollage plus précoce (à plus basse vitesse) et aussi supporter des bateaux de poids différents, principalement due au fait que l'Espadon est un bateau plus lourd qu'un Classe C et que nous ne connaissions pas encore le poids final de notre catamaran Rafale. Cette approche pragmatique est néanmoins coûteuse en terme de performance, mais elle donne à l'équipe plus de flexibilité en termes de réglages par la suite, incluant la possibilité de recouper les foils si nécessaire.

Le design de l'aile a aussi été simplifié au maximum. Comme la plupart des Classes C, elle comprend deux éléments principaux. La section avant est fixe et comporte un mât tubulaire interne. Cette partie supporte une grande partie des charges structurales de l'aile. La section postérieure est articulée de manière à cambrer l’aile en fonction de la direction du vent apparent. Entre les deux, une structure souple dont la forme évolue en fonction de la position relative des sections avant et arrière. Le concept, développé par Julien Chaussée sur Invictus, a été repris et amélioré par l’équipe de l’ETS. Sa simplicité et son efficacité sont des atouts majeurs et l’une des originalités de Rafale par rapport à ses compétiteurs.

 

La fabrication, une étape très ardue

La première année a été entièrement consacrée à la conception des différents éléments sur papier. Le coût élevé des matériaux, notre très mince budget et le temps limité pour la durée du chantier ont nécessité beaucoup d’étapes préparatoires avant de se lancer dans la réalisation des pièces. La première fut la poutre arrière constituée de 16 plis de fibre de carbone unidirectionnelle pré-imprégnée. Une pièce de 14 pieds de long pour un diamètre interne de 3 pouces. Ont suivi la poutre avant et six demi-coques : deux en fibre de verre pour valider la forme des moules et la procédure d’assemblage et quatre autres en fibre de carbone. Chance ou méthode bien appliquée, toutes les pièces de la plateforme sont sorties du moule presque parfaitement et n’ont pas requis d’autres interventions. Le gain de temps s’est ainsi avéré considérable.

Les principaux problèmes nous attendaient avec la fabrication de l’aile qui nécessitait pas moins de quatre profils géométriques différents pour obtenir la forme désirée. Le coût de réalisation des moules pour la fabrication des bords d’attaque frôlait les 5000 $. Des frais impossibles à assumer par l’équipe. Après plusieurs essais manqués, nous avons réussi à développer un procédé stable qui a finalement coûté près de vingt fois moins que le prix des moules.

Au début du mois de mai, un peu plus de trois mois avant la date d’embarquement de Rafale à destination de la Suisse, toutes les pièces avaient été réalisées, mais il restait à assembler le bateau. Une étape décisive et l’heure de vérité qui allait valider si tous les éléments trouveraient leur place tel qu’ils avaient été dessinés….Mise à part quelques exceptions, l’assemblage s’est déroulé tel que prévu, à la plus grande fierté de l’équipe.

 

L'envol de Rafale et la préparation pour la Litlle-Cup

Rafale, le premier Classe C conçu et fabriqué par des étudiants, a été mis à l’eau le 19 juillet 2015 au Yacht Club Royal Saint-Laurent qui a ouvert ses portes à l’équipe pour la période d’essais sur l’eau. Le premier vol a eu lieu le 8 août, juste avant le transport vers la Suisse.

Son skipper Marc Farmer a livré ses premières impressions au terme des sessions d’entraînement menées par petit temps sur le lac Saint-Louis.  «Lorsque le bateau sort de l’eau, il se comporte comme n’importe quel autre bateau et ne procure pas de sensation particulière. Le plus intéressant et le plus formidable se passe autour de l’aile. Sur une voile traditionnelle, les pennons et le fassayement nous indiquent si notre voile est bien réglée. En comparaison, l’aile rigide a l’air d’un objet inanimé, bien qu’elle génère une puissance immense. Afin de bien gérer cette aile nous avons besoin de nouveaux outils comme la gang of four qui consiste en quatre indicateurs de vent situés en demi-cercle devant l’aile. Ils indiquent l’endroit ou la séparation d’écoulement des filets d’air se produit sur le bord d’attaque de l’aile et servent de repère pour choisir le bon angle de remontée dans le vent. Des pennons traditionnels de chaque côté de l’aile permettent de vérifier que l’écoulement est bien laminaire sur l’ensemble de la structure. La cambrure et la grandeur de la fente entre les deux éléments de l’aile permettent de contrôler la puissance et de réduire les turbulences. Cette nouvelle méthode de naviguer est complexe et abstraite, surtout quand le vent apparent vient du devant du bateau même quand on descend dans le vent. L’aide d’autres équipes nord-américaines aura été précieuse pour mieux comprendre le fonctionnement de l’aile.»

 

Après la Little-Cup

À l’issue de la compétition, Rafale sera exposé à Montréal. Nous espérons qu’il s’inscrira dans l’histoire de la voile au Québec comme dans celle de la Classe C. Ce projet témoignera aussi d’un engagement environnemental qui veut souligner la remarquable puissance énergétique que l’on peut tirer du vent et des possibilités offertes par le développement des hydroptères. En réduisant la traînée et maximisant la portance, ailes rigides et hydrofoils constituent des voies d’avenir pertinentes pour le secteur des transports ainsi que des avenues intéressantes pour diminuer les impacts environnementaux. Ce rêve devenu réalité aura aussi été notre contribution au développement d’engins propulsés par l’énergie verte.

 

 Tristan Vanderhaeghe/ Julien Chaussée/ Bruno Giuntoli/ Jonathan Lagagnière/ Marc Farmer

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