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Vifs débats sur la limitation de vitesse sur le Richelieu

Vifs débats sur la limitation de vitesse sur le Richelieu

En juillet 2017, un groupe de résidents du Richelieu forme l’Association des Riverains et Amis du Richelieu et se donne le mandat de «conscientiser la population des problématiques sur la rivière Richelieu et son environnement». L’une des premières actions de l’association consiste à initier une démarche auprès de Transports Canada afin de faire adopter un règlement de réduction de vitesse des embarcations à 10 km/h sur un tronçon de 20 km de longueur débutant à la hauteur de Saint-Marc et Saint-Charles en amont et s’étendant jusqu’à Saint-Antoine et Saint-Denis en aval. La démarche est appuyée par le bureau du député fédéral de la circonscription Pierre-Boucher–Les Patriotes–Verchères, Xavier Barsalou-Duval.

Les enjeux identifiés par l’Association des Riverains et Amis du Richelieu et les municipalités concernent l’érosion des berges causée par le batillage, la sécurité de la navigation, notamment pour les petites embarcations à propulsion humaine, la vulnérabilité d’une espèce de poisson endémique en voie de disparition, le chevalier cuivré, et enfin la remise en suspension des sédiments soulevés par les hélices dans les zones de faible profondeur.

Le Règlement sur les restrictions visant l’utilisation des bâtiments (RRVUB) est considéré par Transports Canada comme l’ultime recours pour régler des problèmes ou conflits sur l’utilisation des plans d’eau. Les démarches sont des responsabilités qui incombent aux administrations locales (municipalités et MRC). Transports Canada balise rigoureusement la procédure. La démarche des requérants doit faire la preuve que des problèmes significatifs existent réellement sur la portion de plan d’eau visé. Elle doit aussi déterminer les mesures appropriées à mettre en place, évaluer des solutions non réglementaires pour solutionner les problèmes, mener obligatoirement des consultations publiques et présenter un bilan des coûts, des avantages et des répercussions de l’adoption éventuelle d’un règlement de restriction.

Toutes les municipalités du tronçon identifié signifient à l’époque leur intérêt pour l’adoption d’un règlement de restriction de vitesse des bateaux de plaisance et mènent des consultations auprès de leurs populations respectives. L’Association des Riverains et Amis du Richelieu distribue des milliers de dépliants de sensibilisation en 2018 sur le territoire visé, notamment dans toutes les marinas situées entre Saint-Ours et Saint-Mathias.

La demande de restriction est déposée au Bureau de la sécurité nautique en mars 2019. En 2020, Pêches et Océans Canada fait part de son appui à la mesure qui renforce la protection du chevalier cuivré. Le dossier chemine jusqu’à son acceptation par Transports Canada en 2021. La demande de restriction est publiée dans la Gazette du Canada en juin 2021, une seconde lecture suit en octobre 2021, dernière étape avant la mise en vigueur.

La nouvelle a alors l’effet d’un coup de tonnerre dans le monde nautique, comme si plaisanciers et marinas découvraient la réalité de la demande de restriction à la dernière minute. La pilule est d’autant plus amère pour les plaisanciers que la restriction s’applique aux sports de glisse tel que ski nautique, le surf de type wakeboard et la chambre à air remorquable.

Plaisanciers riverains et marinas opposés au règlement considèrent que le processus de consultation a été défaillant et s’organisent pour trouver une alternative moins restrictive. Les sept marinas situées entre Chambly et Saint-Denis reconnaissent le bien-fondé de la limite de vitesse sur certains secteurs sensibles – tel que l’île aux Cerfs - proposent une charte de la navigation responsable qu’ils s’engagent à faire respecter auprès de leur clientèle et suggèrent la mise en place d’un fonds pour baliser les zones à restriction et assurer une surveillance.

Les élections municipales du 7 novembre 2021 mettent aux commandes des quatre municipalités impliquées dans la demande de restriction des nouveaux maires qui héritent d’un processus initié par leurs prédécesseurs. Pour certains d’entre eux, c’est une patate chaude. Transports Canada tient à un consensus, une position qui incite les maires et le député Barsalou-Duval à proposer des amendements visant à adoucir le règlement.

Le bureau du député a donc déposé, avec l’assentiment des quatre municipalités concernées, une nouvelle demande auprès de Transports Canada au mois de mars.

La réduction de vitesse à 10 km/h s’appliquerait partout à moins de 50 m des berges et sur certains secteurs spécifiques : les zones écologiquement sensibles, les emplacements des prises d’eau municipales, les rampes de mise à l’eau et les sites d’opération des traversiers. Les sports de glisse et de traction ne seraient pas permis sur ces périmètres ainsi que sur les 20 km visés par le règlement les samedis et les dimanches en 11 h et 17 h. Une mesure qui vise clairement à décourager la pratique du wakeboard.

En attendant la décision de Transports Canada pour cette nouvelle demande, une chose est sûre : la pratique du nautisme va devoir faire face à des enjeux sociétaux et ce, pas seulement sur la rivière Richelieu. Les valeurs environnementales sont à la hausse et posent la question de la protection de l’intégrité des plans d’eau et des milieux hydriques. La municipalité de Sainte-Anne-de-Sorel applique depuis une quinzaine d’années une restriction de vitesse sur les chenaux du Moine et aux Corbeaux dans l’archipel du lac Saint-Pierre. Le comité ZIP de ce même archipel songe à initier une démarche de limite de vitesse sur l’ensemble des chenaux de l’archipel à l’exclusion de celui de la Voie maritime. La ville de Trois-Rivières a déposé une demande de restriction sur la rivière Saint-Maurice auprès de Transports Canada. À Boucherville, la municipalité ne semble pas prendre le chemin d’une demande de restriction, mais elle met en place une politique de sensibilisation à l’endroit des plaisanciers et elle balise des zones de limitation de vitesse. Notons que Boucherville a obtenu une subvention de 394 500 $ de Transports Canada dans le cadre du Programme de contributions pour la sécurité nautique.

Pour revenir sur le Richelieu, la suggestion de Nautisme Québec d’initier une démarche de balisage des secteurs de limite de vitesse sur l’ensemble du cours de la rivière constitue une avenue intéressante. Et beaucoup de travail de concertation. Les petites municipalités riveraines en ont plein les bras avec les démarches administratives inhérentes aux demandes de restriction. Les données de caractérisation de l’impact de la navigation de plaisance sur l’environnement demeurent parcellaires et réclament une meilleure documentation. Tout un chantier en perspective. La largeur restreinte de nos plans d’eaux et corridors fluviaux implique de la part des plaisanciers un code de conduite guidé par le respect des autres usagers et de l’environnement. Il n’existe pas d’autre perspective pour un développement et une pratique saine du nautisme.

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L’Escale Nautique est une publication indépendante qui sert le marché de la navigation de plaisance depuis 1995. Elle présente aujourd’hui le plus fort tirage payé de toutes les publications nautiques au Québec. L’Escale Nautique est distribuée à tous les membres de la Fédération de voile du Québec, ainsi qu’aux membres francophones des Escadrilles canadiennes de plaisance.

Le Guide du tourisme Nautique est un guide de navigation publié chaque année depuis 1997. Il s’agit à l’heure actuelle du guide de navigation le plus documenté des principaux plans d’eau du Québec, scrupuleusement remis à jour chaque saison.

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