L’an dernier, Sébastien Roubinet avait passé une partie de l’hiver sur le Saint-Laurent pour tester ti-Babouche, son catamaran mi-bateau, mi char à glace, avant de s’élancer en direction du pôle Nord au cours de l’été. Contraint de faire demi-tour à cause d’une panne énergétique, il s’est promis de tenter sa chance à nouveau sur cet itinéraire particulièrement complexe. La Voie du Pôle, le film tourné pendant l’expédition, a remporté au passage le grand prix du Festival international du film polaire à Lyon cet hiver.
Cet aventurier navigateur constructeur et préparateur de bateau, qui a déjà réussi le passage du Nord-Ouest sans assistance mécanique en 2007, n’a pas beaucoup hésité lorsque Yvan Bourgnon lui a proposé de tenter le passage du cap Horn à bord d’un catamaran Nacra F20. Les deux hommes se connaissaient depuis la route du Rhum 2002. Sébastien avait alors participé à la récupération (particulièrement musclée) de son trimaran chaviré au large du Portugal.
Yvan Bourgnon a chargé Sébastien de la préparation technique du Nacra qui a dû affronter des conditions pour lesquelles il n’avait pas été construit. L’ancrage des poutres de liaison a été renforcé, les safrans et leur barre de liaison remplacés par des modèles plus robustes. Il fallait à tout prix éviter une avarie du système de barre qui aurait pu avoir des conséquences graves. La grand-voile amputée de 6 m2 et dotée de bandes de ris permettait de naviguer dans des brises soutenues, tandis que le foc a été remplacé par un modèle capable de s’enrouler. Sébastien a également travaillé sur la sécurité avec l’installation de lignes de vie.
Le trajet de 430 milles consistait à quitter Puerto Williams, situé dans la partie chilienne du canal de Beagle, pour déboucher sur le Pacifique et mettre le cap au sud vers le cap Horn avant de rentrer à nouveau dans le canal de Beagle pour terminer ce parcours en Terre de Feu à Ushuaïa en Argentine.
«Nous pensions prendre 15 h pour sortir du canal de Beagle» explique Sébastien, «mais il n’y avait pas de vent et ça nous a pris près de 40 h. Lorsque nous avons débouché sur le Pacifique, nous étions très en retard sur notre feuille de route. La fenêtre météo que nous avions anticipée s’était refermée et nous savions que nous aurions beaucoup de vent; on espérait seulement qu’il soit moins fort que prévu. Nous sommes en fait arrivés au cap Horn avec le passage d’un front. Nous avons navigué souvent avec plus de 35 nœuds de vent et vers la fin avec 40 à 45 nœuds dans des creux de 6 à 7 m. Le bateau n’était pas prévu pour ça…Il fallait rester très concentré. On se relayait, mais Yvan barrait le plus souvent. C’est un très bon barreur et comme il est plus lourd que moi, il valait mieux le garder sur l’arrière. Je faisais les manœuvres et les réglages rapidement, nous étions très complémentaires. Nous avons vécu deux heures particulièrement chaudes avant d’arriver au cap Horn. Le vent nous poussait à la côte, nous étions trop prés de la terre et avions du mal à nous en écarter. Sur la côte, c’est une succession de cailloux et de falaises et si on se ramassait à la côte, on était foutus. Il ne nous restait plus que 4 m2 de toile et il fallait éviter à tout prix un pépin technique. La moindre avarie de barre ou de voile et on n’aurait pas pu s’en sortir. On a eu une grosse frayeur lorsqu’un phoque a plongé sous le bateau et nous a heurtés. Il aurait pu découper le bateau en deux, mais on s’en ai tiré dans dommage. Derrière le cap, impossible de loffer pour rentrer vers le canal de Beagle, ça soufflait à 50 nœuds. Nous avons réussi à nous mettre à l’ancre derrière un caillou en attendant que ça passe. Nous n’avions rien pour nous protéger pendant la nuit. On avait vraiment froid, il faisait 0°C et il neigeait. J’en ai été quitte pour me geler l’extrémité de deux doigts. Nous avons attendu que le vent faiblisse et bascule au SO pour rentrer à Ushuaïa.»
Yvan Bourgon et Sébastien Roubinet sont restés soixante heures à bord du catamaran pour boucler cette navigation périlleuse. C’était pour tous les deux un premier passage au cap Horn. Il sont arrivés à bon port fourbus et surtout très heureux.
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