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Mike Birch 1931/2022

Mike Birch 1931/2022

Le chronomètre de l’homme aux 98 secondes s’est arrêté.

Dans l’univers de la course au large, Mike Birch occupait une place à part. Sa personnalité singulière, toute faite de discrétion, et son parcours atypique avaient contribué à forger à son insu une légende autour de sa personne. Les médias se plaisaient à entretenir l’aura d’un personnage qu’ils avaient contribués à fabriquer. Le type qui parle aux poissons volants pour Olivier de Kersauson, le maître Jedi pour Loïck Peyron qui le décrit comme un champion de la souplesse en mer : aller vite sans casser le bateau. Il est vrai que l’image du cow-boy parti chevaucher les océans offrait un formidable scénario de départ à ce nomade qui avait une gueule d’acteur de cinéma.

Tous les projecteurs se sont d’un seul coup braqué sur lui lorsqu’une adonnante devant l’îlot Gosier lui a permis de choquer ses voiles dans les dernières minutes de la première édition de la Route du Rhum en 1978. Son drôle de petit trimaran jaune de 35 pieds coupait la ligne avec 98 secondes d’avance sur le long monocoque de Michel Malinovsky.

Cette finale digne d’une tragédie grecque dévoilait un outsider magnifique dans cet improbable Canadien de 45 ans et bousculait tous les standards de la course au large : les multicoques aller désormais régner sur la discipline.

Le métier de la navigation, avec celui de la construction navale, convenait parfaitement à cet autodidacte avide d’apprendre sans cesse. Il avait rapidement délaissé les bancs de l’école où il s’ennuyait ferme pour se retrouver au fond d’une mine à manier de la dynamite. Lassé de la boue des galeries minières, il avait découvert le bonheur de monter à cheval et de vivre au grand air dans un ranch de la Colombie Britannique. Parvenu au bout de son expérience de cow-boy, il s’était embarqué sur un coup de tête comme matelot sur un navire de commerce d’où il a vite débarqué, tout à fait désillusionné. En Angleterre, où il s’était retrouvé par les hasards de l’escale, il est devenu mécanicien automobile pendant quelques années. Un métier qui allait bien à un gars qui aimait travailler de ses mains, apprenait vite et s’intéressait à la mécanique.

Dans le garage Worthing où il adore mettre au point des voitures de sport, il apprend un jour qu’il existe un métier consistant à convoyer des bateaux d’un port à un autre contre rémunération. Il n’était jamais venu à l’esprit d’un gars habitué à trimer dur que l’on pouvait être payé pour naviguer. Le mécano devient convoyeur professionnel en 1965.

Adieu la routine, bonjour l’aventure et la réalité qui vient avec. Plus de 200 convoyages par tous les temps et souvent les plus exécrables en plein hiver. Une formation à la dure aux métiers de la mer dix années durant. Mais notre homme ne cherche plus, il a trouvé. «C’était l’époque où l’on commençait à croire sérieusement que l’homme allait marcher sur la Lune. Moi, j’y étais déjà. Je marchais sur une nouvelle planète. Je marchais sur l’eau.» témoigne-t-il dans sa biographie.

Mike Birch tente pour la première fois sa chance sur une ligne de départ en 1972 pour la course en solitaire de l’Aurore, rebaptisée aujourd’hui la Solitaire du Figaro. Malgré un résultat médiocre, le virus de la course au large fait son chemin. En 1974, à l’occasion du départ du Tour des îles Britanniques, notre homme découvre dans le bassin de Plymouth les silhouettes captivantes des multicoques de l’architecte américain Dick Newick. Le sort en est jeté. Il vend son monocoque pour acheter un trimaran Newick de 31 pieds afin de disputer l’OSTAR en 1976 où il termine second contre toute attente. Convaincu de l’efficacité des trimarans, il propose d’emprunter un autre plan Newick de 35 pieds à son ami Walter Greene pour s’inscrire dans la Route du Rhum. L’affaire est simple, les deux amis se partageront la bourse à l’arrivée, s’il y en a une. Olympus Photo et Mike Birch passent à l’histoire en novembre 1978 à Pointe-à-Pitre. Le métier de coureur au large sera le prochain chapitre du roman d’aventure de la vie de Mike Birch. Il se prolongera jusque dans les années 2000 avec une dernière Transat Jacques-Vabre à l’âge de 76 ans.

S’il ne fallait se rappeler que d’une seule chose à propos de Mike Birch, c’est qu’il n’a jamais fait que ce qu’il voulait avec la ferme volonté de fuir la routine comme la peste. S’il ne comptait plus les dizaines de traversées de l’Atlantique laissées dans son sillage, il ne tenait pas plus le compte de ses voyages entre sa Colombie Britannique natale, son chalet en Gaspésie, le chantier de son ami Walter Greene dans le Maine et ses séjours en Bretagne où vivait sa compagne France.

Cet anti-héros qui ne rentrait dans aucun moule détestait répondre aux questions des journalistes. Elles sonnaient pour lui comme des prisons où l’on tentait de l’enfermer. Il n’était qu’un oiseau qui aimait voler et suivre son instinct.

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