Talent, persévérance et discipline, trois mots qui résument ce jeune athlète que Voile Québec a consacré Marin de l’année en 2012
Martin Robitaille n’a que vingt ans, mais déjà un joli palmarès. Cet étudiant en génie civil qui a fait ses débuts au Club de voile des Laurentides à l’âge de 11 ans est l’un des plus solides espoirs en yachting que le Québec ait généré ces dernières années. La maxime selon laquelle la valeur n’attend pas le nombre des années lui va comme un gant. Ce jeune régatier qui aspire à représenter le Canada aux Jeux Olympiques de 2016 à Rio de Janeiro affiche une remarquable feuille de route et une dose de maturité qui constitue certainement un atout de taille dans l’atteinte de ses objectifs.
En 2010, ce grand gaillard de 2 m qui accuse près de cent kilos sur la balance, troque le Laser – catégorie dont il détient le titre de champion canadien junior mais pour laquelle il était devenu trop lourd – pour le Finn. «Un bateau fait pour moi» décoche spontanément Martin quand on lui pose la question du choix de l’embarcation. Il faut savoir qu’au panthéon de la voile olympique, le Finn occupe une place à part. Ce dériveur de 4,50 m qui porte une grand-voile de 10 m2 a été introduit en 1952 dans le circuit olympique. C’est un bateau emblématique de la régate en solitaire qui a consacré d’immenses champions, comme le Suédois Paul Elvstrom. Le Finn est un voilier terriblement exigeant qui requiert une forme physique exceptionnelle et un gabarit conséquent (85 kg et plus). C’est le bateau de la robustesse physique et mentale. Les manches dans la brise sont impitoyables et il faut déployer une énergie substantielle pour le tenir à plat et le faire avancer dans les vagues. Raison pour laquelle les finnistes passent tous beaucoup de temps en salle de musculation pour parvenir à tenir la cadence. « L’haltérophilie nous aide à mieux synchroniser nos mouvements entre le haut et le bas du corps» explique Martin. «Il faut vraiment déployer beaucoup de force et c’est aussi très douloureux au niveau des genoux» conclut le jeune athlète qui passe plusieurs heures par semaine à soulever des haltères.
Au portant, lorsque le vent souffle à plus de 10 nœuds, les concurrents ont la permission de pomper l’écoute de grand-voile, c’est l’une des spécificités de la classe. Un geste apparemment simple qui requiert néanmoins beaucoup de précision et de coordination. Dosage dans la traction de l’écoute, choix du bon moment pour déclencher le mouvement sur la vague, contrôle de l’assiette et transfert de poids à bord, précision dans la barre, tous ces gestes doivent s’enchaîner naturellement dans une routine où les automatismes doivent s’appliquer comme une seconde nature. «Sur le Finn, il y a toujours quelque chose à apprendre» résume tout simplement Martin Robitaille.
À peine embarqué dans son Finn, Martin se taille rapidement une place dans l’équipe canadienne olympique. En 2011, il se classe second du championnat canadien et lorgne déjà une qualification olympique pour les jeux de Londres. Il prend une année sabbatique pour consacrer huit mois à la compétition en 2012. Martin dispute alors dix épreuves en Europe et en Amérique du Nord, rate son objectif de qualification olympique, mais termine la saison en lion en remportant la première place au championnat du monde junior en France et la seconde au championnat canadien senior à Kingston. Un parcours remarquable pour un jeune régatier qui possède encore une belle marge de progression devant lui.
Ce titre de champion du monde enlevé sur le lac de Maubuisson, Martin l’a conquis dans des circonstances bien particulières qui témoignent éloquemment de sa ténacité. La première journée s’achève dans la déconfiture totale. Il rate complètement les deux premières manches (14e et dernier), accumulant faux départ et pénalités. Moral en berne après cette première journée de course où il traîne dans les profondeurs du classement. Privé d’entraîneur sur place pour des raisons financières, c’est finalement l’entraîneur français Jean-Jacques Grandchamp, qui, dans un élan de générosité spontané, le prend sous son aile et lui prodigue quelques conseils techniques. Martin parvient à mettre cette mauvaise journée derrière lui pour garder la tête froide et se concentrer sur la suite de la régate. Le lendemain, il rebondit en enlevant les deux manches coup sur coup. Il répète la même performance le dernier jour de la course pour rafler le titre à l’issue de l’ultime manche.
Ce succès, Martin Robitaille l’attribue en partie au travail accompli avec son psychologue sportif Colin Guthrie pour l’aider à conserver le contrôle de ses émotions. Le jeune athlète au tempérament bouillant accorde beaucoup d’importance à ce jeu de contrôle psychologique qui privilégie sang froid et concentration et facilite la prise de décision sur l’eau. « En me concentrant sur ce que je peux contrôler seulement, comme ma progression individuelle, j’ai réalisé à quel point j’avais beaucoup plus de chance d’avoir du succès que si je me concentrais uniquement sur ma performance qui dépend de plusieurs facteurs extérieurs» écrit-il dans son blogue.
À la fin de la saison dernière, Martin Robitaille est parti à vivre à Toronto pour poursuivre ses études et profiter des facilités offertes sur place pour s’entraîner avec les autres membres de l’équipe canadienne de Finn. Le calendrier de la saison 2013 est déjà bien rempli. Après les entraînements d’hiver en Floride, une régate qualificative aux Pays-Bas pour les championnats du monde senior, qui auront lieu au mois d’août en Estonie, et ensuite la défense de son titre au championnat mondial junior sur le lac de Garde en Italie.
Étudier, s’entraîner, naviguer, disputer des courses aux quatre coins du monde et trouver chaque année le budget nécessaire au fonctionnement d’une saison de préparation olympique (de 50 à 60 000 $), le défi est immense. «On ne réalise pas un tel rêve tout seul, c’est impossible; il y a toujours une équipe derrière un coureur» témoigne Martin. Dans son cas, une bonne partie de l’équipe est constituée par sa propre famille, ses parents et ses trois sœurs.
Parmi tous les gens qui l’ont accompagné et aidé dans son parcours sportif, Martin cite volontiers son ex-entraîneur, le montréalais Tyler Bjorn: « mon mentor, il m’a inculqué la discipline et le modèle à suivre pour parvenir au niveau national». Et il y a aussi Zach Railey, médaillé d’argent en Finn à Beijing en 2008, une de ses idoles dont la photo trônait sur le mur de sa chambre. Martin a pu côtoyer le champion américain à quelques reprises à l’occasion de sessions d’entraînement et il en a retiré une profonde motivation. Quand on se fait expliquer comment aller plus vite sur l’eau par ceux-là même que l’on admirait à l’adolescence, c’est signe qu’on a déjà fait un bon bout de chemin.
La route est encore longue et sera de plus en plus exigeante au fur et à mesure que le régatier de Deux-Montagnes se rapprochera de l’élite mondiale. Les champions de Finn atteignent leur maturité entre 24 et 30 ans, ce qui laisse à Martin Robitaille tout le temps nécessaire pour nous étonner à nouveau.
http://www.martinrobitaille.org/
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