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Les inondations sur la rivière Richelieu

Les inondations sur la rivière Richelieu

Henri René de Cotret

Au printemps, les propriétaires de marinas du long de la rivière Richelieu sont habitués à une hausse du niveau des eaux. Ils surveillent la rivière et, la plupart du temps, il n’y a rien d’alarmant. Leurs activités s’intensifient avec le retour de leurs clients en vue de la préparation des bateaux et les mises à l’eau commencent parfois aussi tôt qu’à la fin d’avril.

À Saint-Paul-de-l’Île-aux-Noix, tout semblait normal à la mi-avril. Pour les marinas de l’endroit, c’était week-end de journées « portes ouvertes ». Marina Gosselin tenait son ExpoVoile, toujours populaire. Guy Gosselin, son président, conserve les données des niveaux d’eau d’année en année dans un agenda auquel il réfère. « Nous étions à un peu plus de 98 pieds durant ExpoVoile, ce qui correspondait à ce que nous avions connu les années précédentes », dit-il. Comme tant d’autres de ses concitoyens, il était loin de se douter que les choses allaient changer. Radicalement.

Une combinaison de facteurs ont fait que les niveaux d’eau sur le lac Champlain et la rivière Richelieu se sont élevés à partir du 23 avril pour atteindre le record de 103,2 pieds à la fin d’avril. De fortes précipitations sur le nord-est américain l’hiver dernier ayant donné d’importantes chutes de neige en montagne et un printemps pluvieux ont créé des conditions de « perfect storm » à l’arrivée des températures plus douces en avril. Le précédent record de haut niveau de 102,10 pieds remonte à 1869.

Établi par le National Oceanographic and Atmospheric Administration (NOOA), le niveau de référence pour le lac Champlain est de 93 pieds (bas niveau au-dessus du niveau de la mer), soit le datum des cartes marines. Des instruments de mesure de niveau d’eau sont installés à Burlington (VT) et à Rouses Point (NY).

De plus, dans des conditions de hautes eaux, de forts vents du sud sont à craindre à cause des dommages causés par les vagues et du phénomène de refoulement des eaux du lac Champlain dans la rivière Richelieu. Dès la fin d’avril, les installations de la marina Lighthouse à Rouses Point ont été fortement endommagées par les vagues, le magasin sur l’appontement principal ayant été, entre autres choses, balayé. Malgré cela, ses nouveaux propriétaires ont fait part à leurs clients d’un plan de remise en état comprenant de nouveaux quais et un nouveau brise-lames et ils comptaient mettre en œuvre le plus rapidement possible. Voilà une bonne nouvelle tant pour les plaisanciers que pour les entreprises nautiques. Chez Gaines Marina, tout près, le terrain et la voie d’accès étaient inondés, ce qui était le cas de plusieurs autres marinas en bordure du lac. D’autres marinas, comme celle de Plattsburgh Boat Basin plus au sud, comptent en temps normal sur un brise-lames pour les protéger des vagues causées par des vents du sud. À la mi-mai, ce brise-lames étant toujours submergé sous près d’un mètre d’eau et l’installation des quais était retardée faute de protection adéquate.

Les effets sur la navigation de plaisance dans le secteur de la Richelieu entre Saint-Jean-sur-Richelieu et sur le lac Champlain se sont fait sentir dès le début de mai. On parlait d’un retard de la reprise des activités de plusieurs semaines, voire plus. Parcs Canada a annoncé à la mi-mai qu’il reportait l’ouverture du Canal Chambly prévue le 20 mai, sans pouvoir annoncer de nouvelles dates. Au sud du lac Champlain, la situation était la même pour le Champlain Canal ouvert normalement à partir du premier week-end de mai. Certains navigateurs de retour d’un voyage dans les Bahamas ont d’ailleurs dû laisser leurs bateaux dans des marinas sur la rivière Hudson dans l’attente d’une ouverture du Champlain Canal au mieux à la fin du mois …

La Garde côtière canadienne émettait quant à elle un avis aux navigateurs à la mi-mai disant que la « navigation avec toute embarcation à moteur était interdite entre le lac Champlain et Saint-Jean-sur-Richelieu et sur la Baie Missisquoi ». Un avertissement concernant des retards de l’ouverture du pont tournant du CN à Cantic était également émis. Ajoutons à cela que la présence de débris de toutes sortes – troncs d’arbres à demi-submergés, quais emportés par l’eau, débris domestiques – allaient constituer autant de dangers à la navigation pour tout le mois de juin à tout le moins.

Les conséquences économiques sur l’industrie nautique sont difficiles à évaluer, mais il est permis de croire qu’elles seront importantes. On parle de pertes de plusieurs millions. Pierre Fortin, de Marina Fortin affirme que « Ce qui s’est produit est désastreux, on fait normalement notre année dans ces deux mois, avril et mai ». De plus, il y aura des travaux de remise en état chez certains et un nettoyage en règle chez la plupart des marinas, ce qui représente encore des frais. « Nous avons des travaux importants de remise en état dans notre magasin à cause des dégâts d’eau », ajoutait Pierre Fortin.

Pour Christine Gosselin de Marina Gosselin, un retard des mises à l’eau de trois à quatre semaines était à envisager, ce qui affecte d’autant la saison de navigation de ses clients. « Nous devons attendre la baisse du niveau avant de faire quoique ce soit et, de toute façon, il faut que les marinas du lac Champlain où se rendent nos clients puissent les recevoir! » Pour Marina Gosselin et les autres marinas de Sant-Paul-de-l’Île-aux-Noix, la situation était la même. « On prend notre mal en patience, mais ça commence à être long », de dire Pierre Fortin. « Il ne faut oublier que ce qui est perdu est perdu », souligne Christine Gosselin en parlant des conséquences économiques pour son entreprise et celles des autres professionnels du nautisme. Toutefois, tous ceux à qui nous avons parlé n’étaient pas en mesure d’évaluer les effets à long terme de ces inondations record tellement la situation était exceptionnelle. « Nous avions un eu un gros coup d’eau en 1993 à cause d’un fort vent du sud qui a fait monter l’eau à près de 102 pieds en une nuit, mais tout s’était résorbé en quelques jours, tandis que là, ça perdure depuis des semaines », de dire encore Pierre Fortin à la mi-mai.

« Tout le monde dans la région est affecté », racontait un résident de Saint-Paul-de-l’Île-aux-Noix. « L’entrepreneur qui fait de l’entretien des gazons est touché, il n’y a plus de pelouses! » Selon Douglas Archer, qui a des voiliers en service de charter sur le lac Champlain sous la bannière de l’agent de voyage spécialisé Navtours de Montréal, une diminution d’au moins 15% des réservations estivales par rapport à l’année précédente est attribuable à la situation.

« Souhaitons que les résidents et les professionnels de l’industrie dans les secteurs touchés puissent se remettre rapidement de cette catastrophe », a déclaré Walter Timmerman, président de l’Association maritime du Québec. « Un événement d’une telle ampleur est sans précédent, si l’on pense que tout le secteur de la Richelieu est affecté, de Sorel jusqu’au lac Champlain, que ce soit à Saint-Ours, Saint-Blaise, Sabrevois et, bien sûr, Saint-Jean-sur-Richelieu et Saint-Paul », ajoutait M. Timmerman.

Chose certaine, la saison de navigation sur le lac Champlain risque d’être écourtée pour de nombreux plaisanciers cet été. Et le printemps 2011 restera dans les annales et dans les mémoires longtemps.

 

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