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La norme S-100, le futur de la cartographie

La norme S-100, le futur de la cartographie

L’évolution de la cartographie maritime est un processus encadré par l’Organisation hydrographique internationale (IHO) qui a la responsabilité de valider les standards et les spécifications servant à établir les normes internationales que devront respecter tous les éditeurs de données, de logiciels et les différents fournisseurs de services.

La cartographie a connu sa première révolution aux débuts des années 1990 avec l’ECDIS (Electronic Chart Display and Information System). La carte en papier cédait la place à une représentation électronique, représentation couplée à un système de positionnement permettant de situer le navire sur la carte électronique en temps réel. Le standard de 1992 encadrant l’utilisation de ces appareils embarqués s’appelait le S-57.

Il est passé beaucoup d’eau sous les quilles depuis 1992. En 2010, l’IHO jetait les bases d’un nouveau standard afin de s’adapter au flux croissant de données : le S-100. Une autre poussée technologique est venu transformer l’univers de la navigation, celle de la connectivité. Dès 2007, le Système d’identification automatique (AIS) permettait des échanges automatisés de données via un signal radio VHF à des fins de surveillance et d’identification de trafic. L’augmentation de capacité des bandes passantes des réseaux de téléphonie mobile et l’extension de leur couverture géographique constitue l’autre élément susceptible de «libérer le potentiel des données géospatiales», selon les mots de Louis Maltais, directeur des Services géospatiaux pour la navigation au Service hydrographique du Canada (SHC). «La connectivité sur les voies navigables n’est plus une question de temps » ajoute M. Maltais.

La disponibilité et le partage des données via la connectivité pavent la voie à une numérisation complète de l’univers de la cartographie et de l’ensemble des informations utiles à la navigation par l’intermédiaire de produits dynamiques. Une seconde révolution dans laquelle nous entrons de plein pied. Certes, le processus s’adresse aujourd’hui à la marine de commerce, mais la poussée numérique continuera inévitablement sa progression jusque dans le monde de la plaisance tôt ou tard.

Des essais sur le fleuve Saint-Laurent

Pascal Rhéaume est un pilote du Saint-Laurent entre Les Escoumins et Québec. Il a activement participé l’an dernier à des essais de mise en œuvre de la norme S-100 et à des tests relatifs aux normes d’affichage cartographiques. Il vulgarise en une seule phrase le bond technologique de la nouvelle norme : «Nous avons fini de nous adapter à la cartographie, c’est la cartographie qui s’adapte maintenant aux besoins des navigateurs».

La norme S-100 reprend le concept de la publication par couches de données, à l’image de ce que nous connaissons déjà en cartographie vectorielle.  La codification de la norme S-100 s’établit comme suit :

 

  • S-101 Représentation cartographique électronique
  • S-102 Surface bathymétrique (en haute densité)
  • S-103 Navigation sous la surface
  • S-104 Hauteur ou niveau d’eau
  • S-111 Courant de surface
  • S-122 Aires marines protégées
  • S-123 Services de radio
  • S-125 Avis aux navigateurs
  • S-127 Gestion du trafic
  • S-128 Catalogue des produits nautiques
  • S-129 Gestion de la profondeur d’eau sous quille
  • S-131 Infrastructure portuaire
  • S-201 Information sur les aides à la navigation
  • S-411 Information sur la glace
  • S-412 Information météorologique
  • S-413 Météorologie de la houle

 

On trouve la liste complète des produits du S-100 sur le site de l’IHO, en français de surcroît :  https://iho.int/fr/

 

Retournons sur la passerelle avec le pilote Pascal Rhéaume. Il connecte sa tablette iOS avec l’appli de navigation SEAiq Pilot sur l’AIS du navire. L’appli de navigation intègre les plus récentes mises à jour cartographiques et l’AIS du bord fournit dimensions et le tirant d’eau du navire, le trafic environnant ainsi que les dernières données de marées. En programmant dans son application la marge de sécurité sous quille qu’il veut respecter, le pilote obtient sur son écran une bathymétrie qui ne se réfère plus

aux isobathes standards, mais plutôt à ceux adaptés à son navire. Via les niveaux d’eaux reçu de l’AIS, la carte affiche la profondeur disponible en temps réel. La représentation cartographique est donc celle d’un contour bathymétrique de sécurité, affiché en haute densité et publié à la décimale près. Une représentation générée sur mesure pour les besoins spécifiques d’un navire en particulier. Si pour une raison ou une autre, le navire doit s’écarter de sa route, le pilote est en mesure de discerner immédiatement sa marge de manœuvre en bordure ou en dehors du chenal. Le pilote n’a plus à calculer la profondeur sous quille, la carte le fait à sa place. C’est ce que M. Rhéaume appelle «la carte qui s’adapte aux besoins». Une carte qui permet une perception immédiate de la situation du navire dans son environnement en trois dimensions, à quelques centimètres près. La carte cesse d’être un objet statique pour devenir un produit dynamique.

Cette nouvelle option de carte dispose d’un mode d’affichage en trois dimensions qui offre un niveau de précision beaucoup plus élevé qu’auparavant. Ce mode de visualisation en haute densité permet de distinguer très nettement les épaves reposant sur le fond ou encore de connaître la profondeur exacte d’un point particulier choisi avec la souris.

L’affichage des sondes est lui aussi modernisée dans la norme S-102. Les données de profondeur n’obéissent plus à une codification faite d’intervalles prédéterminés : 5m, 10 m 15 m. Les profondeurs sont disponibles partout dans le fichier cartographique, mais le navigateur choisit ses réglages d’affichage afin de ne pas être assailli par une multitude de chiffres.

Cette représentation cartographique en haute densité est le résultat d’une fusion de données : celles provenant des plus récents sondages couplées avec celles des niveaux d’eau. Les données de hauteur d’eau peuvent provenir d’une prédiction issue d’un modèle mathématique – celui que nous connaissons avec la table des marées – ou mieux encore, à partir de stations marégraphiques qui recueillent les niveaux d’eau en temps réel. Ces données dynamiques sont beaucoup plus précises que les prédictions qui ne peuvent modéliser des variables telle que la pression atmosphérique, le vent, le débit des rivières ou encore la propagation exacte de l’onde de marée. Si les grandes marées du 6 décembre 2010 ont largement dépassé les prévisions de hauteur d’eau, c’est bien en raison des variables citées précédemment.

La connectivité via un réseau mobile ou un lien radio AIS permet donc la réception de données dynamiques permettant de générer une cartographie en temps réel. «Ça demande de l’adaptation» explique Pascal Rhéaume «l’affichage des profondeurs changement constamment».

En rajoutant la couche des courants, le standard S-100 permet aussi de mieux planifier le trajet et de prévoir la meilleure fenêtre de passage dans le temps d’une zone critique. Le système permet de représenter à l’avance quelles seront les profondeurs de sécurité d’un secteur à venir sur la route du navire. Une information précieuse pour les navires à fort tirant d’eau qui doivent attendre la mer haute pour s’engager dans le chenal du Nord en aval de Québec.

Des mises à jour rapides

La précision des données cartographiques est intrinsèquement reliée avec la qualité des relevés hydrographiques et de leur fréquence. Les sondeurs multifaisceaux, les relevés aériens LIDAR – quand la clarté de l’eau permet de les pratiquer – et maintenant les données satellites,  permettent un quadrillage plus serré des fonds marins permettant de générer une bathymétrie plus précise qu’auparavant.

Une fois les données intégrées dans la base de données du SHC, elles deviennent automatiquement disponibles à la chaîne de fournisseurs qui ont la responsabilité de traiter, éditer et distribuer les données aux utilisateurs. «Aujourd’hui» explique Pascal Rhéaume, « 48 h après un sondage du chenal du Nord, les mises à jour sont automatiquement intégrées dans la cartographie.» Un processus qui accélère considérablement le délai de publication des mises à jour.

La norme S-100 permet d’établir une interface entre les bases de données des différents services hydrographiques et les éditeurs de produits de navigation à travers le monde. On peut la présenter comme une intégration numérique complète de toutes les données concernant la navigation. Après un processus d’expérimentation de plusieurs années, la norme S-100 a été approuvée par les États membres de l’IHO et sera opérationnelle cette année au mois de juin.

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L’Escale Nautique est une publication indépendante qui sert le marché de la navigation de plaisance depuis 1995. Elle présente aujourd’hui le plus fort tirage payé de toutes les publications nautiques au Québec. L’Escale Nautique est distribuée à tous les membres de la Fédération de voile du Québec, ainsi qu’aux membres francophones des Escadrilles canadiennes de plaisance.

Le Guide du tourisme Nautique est un guide de navigation publié chaque année depuis 1997. Il s’agit à l’heure actuelle du guide de navigation le plus documenté des principaux plans d’eau du Québec, scrupuleusement remis à jour chaque saison.

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