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Lachine : plaisanciers indésirables

Lachine : plaisanciers indésirables

 Le 8 juillet dernier, la Ville de Montréal annonçait à la surprise générale la fermeture définitive du port de plaisance de Lachine pour transformer le site en parc riverain. Aucune information relative à un changement de vocation aussi radical n’avait jusqu’à présent remonté à surface. Robert Beaudry, responsable du dossier au comité exécutif de la Ville de Montréal et Maja Vodanovic, mairesse de l’arrondissement de Lachine justifient la décision en raison de «la désuétude avancée des installations… qui datent de plusieurs dizaines d’années». Un argument qui n’a pas manqué de faire tiquer les plaisanciers de Lachine puisque les appontements et les installations électriques ont été complètement remis à neuf en 2004. 

Les récentes inondations ont effectivement causé des dégâts importants sur le littoral dont le niveau d’érosion commande des travaux substantiels. Travaux qu’il faudra mener à bien que le port de plaisance disparaisse ou qu’il demeure. Quand on veut tuer son chien, on l’accuse d’avoir la rage. Noircir sciemment le tableau de l’état des infrastructures et des coûts de mise à niveau apparaît comme une manœuvre pour justifier la disparition du port de plaisance.

De mémoire de journaliste, je n’ai jamais vu une municipalité œuvrer au démantèlement d’un port de plaisance. Les villes riveraines considèrent les installations portuaires comme des actifs dont elles souhaitent pérenniser le fonctionnement. De toute évidence, le parti Projet Montréal voit les choses autrement. Les propriétaires de bateaux à moteur sont assimilés à d’indésirables émetteurs de carbone, spoliateurs de l’espace public, bref des locataires dont il convient de se débarrasser dans les meilleurs délais pour déployer une stratégie de transition écologique. Quant aux retombées générées par les 1500 nuitées que réalisaient le port chaque saison en hébergeant des plaisanciers en transit, on s’en passera. Le tourisme nautique attendra.

La Ville de Montréal ne fait d’ailleurs preuve d’aucune compassion à l’endroit de ses anciens locataires. Elle n’hésite pas à se payer leur tête en écrivant sur le site web du port de plaisance que «les plaisanciers sont responsables de leur relocalisation» parmi «…les 35 marinas et les 4 000 places à quai présentes sur le territoire de la CMM (Communauté métropolitaine de Montréal). Après l’éviction, le cynisme. N’importe quel observateur avisé sait fort bien que les 450 appontements menacés de disparition constituent une perte sèche pour le réseau nautique montréalais. On ne ferme pas le plus important port de plaisance du Québec sans conséquence. La plupart des marinas sont pleines et la relocalisation va s’avérer tout simplement impossible pour la majeure partie des propriétaires. Ils seront confrontés à deux choix : quitter la région métropolitaine ou se débarrasser de leur bateau.

Le port de plaisance de Lachine occupe une étroite langue de terre entre le Parc René-Lévesque au nord et la Promenade du Père-Marquette au sud. La majeure partie du littoral de la rade de Lachine a déjà vocation de parc. C’est bien la magie de la politique que de donner une seconde fois aux citoyens quelque chose qu’ils possèdent déjà : l’accès aux rives.

Tout se passe comme s’il fallait absolument avoir la tête du port de plaisance avant de débuter les travaux de restauration des berges. Une bataille rangée a vu le jour spontanément sur les réseaux sociaux à la suite de l’annonce de la Ville. Canoteurs et amants de la nature militent pour un nouveau terrain de jeu à la hauteur de leurs aspirations écologiques tandis que les plaisanciers luttent avec l’énergie du désespoir pour conserver la vocation portuaire du site. On ne semble pas s’apercevoir qu’avec un club d’aviron, une école de voile et un club de pêche sur place, le plan d’eau de Lachine répond déjà très bien aux besoins de la petite plaisance.

Le projet de la Ville de Montréal n’est pour le moment qu’un concept budgété à la hâte, qui n’a pas encore reçu l’aval du conseil municipal, ni l’autorisation de Transports Canada pour démanteler le port en vertu en de la Loi sur les eaux navigables. Il ne s’appuie pas non plus sur une solide étude d’urbanisme, préalable nécessaire à toute requalification d’une telle ampleur. Il faut prendre cette annonce surprise pour ce qu’elle est, de l’improvisation politique.

La présence d’un port de plaisance à la tête d’un canal de navigation constitue un aménagement qui tient de la logique élémentaire. S’il y a une activité qui fasse partie intégrante de la culture et de la vocation de Lachine, c’est bien la navigation. Et si le parc riverain voit le jour, il devra tout de même vivre avec la présence des bateaux de plaisance qui traverseront le plan d’eau pour transiter sur le canal. 

De par son attitude dogmatique, la Ville de Montréal a choisi de faire l’économie d’une véritable démarche d’urbanisme. Pour quelle raison la consolidation des berges, la restauration des milieux humides, la pratique du canotage et un accès public bonifié seraient incompatibles avec une présence portuaire? Réfléchir à la mixité des usages du plan d’eau fait partie des responsabilités des élus et ne ferait de tort à personne. Encore faudrait-il s’en donner la peine.

 

Michel Sacco

 

 

Quelques informations utiles au dossier du port de plaisance

 • Les plaisanciers locataires du port de plaisance se sont regroupés dans une association qui mène la bataille pour tenter de conserver le port ouvert : L’Association des plaisanciers du port de plaisance de Lachine 

https://www.plaisancierslachine.com

• L’Association des plaisanciers compte parmi ses membres des ingénieurs qui ont proposé un plan d’aménagement alternatif à un coût révisé de 5,3 millions $. La Ville de Montréal a offert une fin de non-recevoir à leur démarche.

• Le conseil d’arrondissement a voté la résiliation du contrat de gestion du port à compter du 30 novembre 2020.

• La conseillère Julie-Pascale Provost a voté contre la résiliation du contrat de gestion et a mentionné :

-       n’avoir jamais pu avoir accès à l’étude réalisée en 2017 au coût de 800 000 $ sur le port de plaisance.

-       qu’aucune étude d’impact économique ne documente la fermeture

-       qu’elle ne parvient pas à obtenir toutes les informations qu’elle désire relativement au projet de parc

• Le port de plaisance de Lachine n’a jamais fait faillite.

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