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Le drone à la rescousse des baleines

Le drone à la rescousse des baleines

L’utilisation des drones est en train de révolutionner la recherche sur les cétacés. Les groupes scientifiques qui étudient les baleines présentes dans le Saint-Laurent développent d’ailleurs des projets qui devraient permettre de mieux comprendre plusieurs facettes méconnues de la vie de ces animaux menacés.Le duo de zodiacs parti du quai de Mingan arrive à proximité d’un groupe de quatre rorquals communs, qui occupe le deuxième rang des plus gros animaux vivant sur Terre, aussi un cétacé très souvent observé dans cette portion du golfe du Saint-Laurent située au nord de l’île d’Anticosti. Après avoir pris le temps d’analyser le comportement des animaux, qui font surface toutes les dix minutes, l’équipe responsable du drone fait décoller l’appareil, avant de le diriger au-dessus d’un premier rorqual.

« Il faut agir rapidement, parce que la baleine passe très peu de temps en surface », soit une à deux minutes, explique le directeur général de l’école de formation Drone Box, Romain Brot.

« Il faut repérer le souffle, lancer le drone, puis bien cadrer l’animal afin de recueillir les images recherchées, donc un plan général, puis la tête, la nageoire dorsale, le pédoncule et la nageoire caudale », ajoute celui qui participe cet été à un projet inédit mené par la Station de recherche des îles Mingan (MICS) : l’analyse des cicatrices d’empêtrement sur les grands rorquals.

Avec la nouvelle hécatombe qui frappe cette année les baleines noires de l’Atlantique Nord, on évoque régulièrement les risques d’empêtrement de cette espèce dans des engins de pêche. Or, « le problème frappe aussi très sévèrement les autres grands cétacés », souligne Christian Ramp, coordonnateur de recherche au MICS, un groupe qui étudie les baleines depuis plus de 40 ans à partir de la Côte-Nord.

On sait déjà que plus de 80 % des baleines noires adultes seront prises dans un gréement de pêche au cours de leur vie, un taux qui s’apparente à ce qu’on observe chez certaines populations de baleines à bosse. Mais dans le cas des rorquals communs et des rorquals bleus, on estimait jusqu’à tout récemment que le taux d’empêtrement ne dépassait pas les 10 %. Bref, que ces animaux n’étaient pas particulièrement menacés par l’industrie de la pêche.

C’était avant le recours au drone. Il faut dire que les rorquals communs et les rorquals bleus exhibent une très petite partie de leur corps en faisant surface.

« On ne voit pratiquement jamais, par exemple, leur nageoire caudale, leur pédoncule, leurs nageoires pectorales ou encore la totalité de leur tête. Ce sont toutefois sur ces parties du corps qu’on repère les cicatrices. Et pour les voir, il faut utiliser un drone », résume M. Ramp.

Les premiers résultats des travaux réalisés par le MICS avec un drone sont d’ailleurs très révélateurs pour le rorqual commun : « Au moins 42 % à 52 % des individus identifiés en 2018 portaient des cicatrices d’empêtrement. Il est donc clair que nous avions sous-estimé le problème. Et nos résultats représentent probablement un chiffre prudent », fait valoir le chercheur, qui travaille sur ce projet soutenu par Pêches et Océans Canada.

À terme, les résultats des recherches menées avec le drone pourraient permettre d’en arriver à la mise en place de mesures pour mieux protéger les cétacés dans le Saint-Laurent contre les prises accidentelles dans les engins de pêche, selon le fondateur du MICS, Richard Sears. Il faut dire que dans certains cas, comme celui de la baleine bleue, le gouvernement fédéral a l’obligation de protéger l’habitat essentiel de cette espèce classée « en voie de disparition ».

Plus globalement, « le drone est un outil technologique qui va changer notre façon de travailler sur le terrain. Il y a beaucoup d’applications possibles », poursuit Christian Ramp. Il sera notamment possible d’étudier le comportement social des animaux sans interférer avec leurs activités naturelles, puisque le bateau de recherche peut demeurer en retrait, à quelques centaines de mètres de l’animal qui fait surface.

Le drone pourrait même permettre de recueillir des échantillons du souffle de la baleine, qui contient plusieurs éléments qui aident à en apprendre davantage sur chaque individu. On peut par exemple y mesurer des hormones de stress, une donnée scientifique qui serait fort utile pour comprendre jusqu’à quel point ces animaux sont affectés par la pollution sonore qui se généralise dans leur habitat, en raison du trafic maritime.

Révolution

Pour le directeur scientifique du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM), Robert Michaud, le drone représente carrément « une révolution pour la recherche sur le béluga », au même titre que l’arrivée de la photo numérique a permis de faire des bonds de géants en matière de « photo identification » des cétacés.

Son équipe de recherche, basée à Tadoussac, a d’ailleurs déjà mené des projets inédits au cours des quatre dernières années, projets qui n’auraient pas été possibles sans cette technologie.

« Le drone nous permet notamment d’analyser des comportements sociaux majeurs qu’on ne pouvait pas observer sans voir les animaux du haut des airs. » C’est le cas par exemple de l’étude de la structure « sociale » des groupes formés de femelles et de jeunes. Le GREMM a ainsi pu comprendre que cette structure, essentielle à la survie de l’espèce, comprend un partage des soins prodigués aux jeunes bélugas.

Depuis deux ans, un projet prévoit en outre une analyse d’images captées par un drone afin de vérifier « l’état de chair » des bélugas, et donc l’état de santé de cette population. Cette technique, dite de « photogrammétrie », a aussi été utilisée sur la côte ouest, ce qui a permis de confirmer que les épaulards résidents du Sud, une espèce au seuil de l’extinction, souffraient visiblement d’un manque de nourriture.

« On songe aussi déjà à d’autres projets, notamment pour vérifier, en analysant les images captées par un drone, si les femelles sont gestantes. Pour une population qui accuse toujours un déclin, ce sont autant d’informations qui pourraient nous permettre de mieux comprendre la situation », affirme Robert Michaud.

 Le Devoir- Alexandre Shields

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