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Avis défavorable aux projets de ports au Saguenay

Avis défavorable aux projets de ports au Saguenay

La construction prévue de deux ports majeurs sur le Saguenay, dont le projet gazier Énergie Saguenay, va à l’encontre des objectifs du plan de rétablissement du béluga du Saint-Laurent, conclut un avis scientifique produit par des chercheurs de Pêches et Océans Canada. Ces projets pourraient d’ailleurs avoir des impacts négatifs pour des portions de l’habitat qui sont considérées comme étant aussi essentielles que le secteur de Cacouna.

L’avis scientifique produit pour évaluer les « effets potentiels » du projet d’exportation de gaz naturel Énergie Saguenay et du projet minier Arianne Phosphate souligne que les deux infrastructures « tripleront » le trafic maritime actuel dans le Saguenay, « pour le faire passer de 450 à près de 1300 transits par an ».

À eux seuls, ces deux projets augmenteront aussi de 10 % « le trafic marchand total » dans l’estuaire du Saint-Laurent et l’habitat du béluga, une espèce « en voie de disparition » toujours en déclin et dont il ne subsiste plus qu’environ 880 individus. « Cette augmentation notable du trafic aura pour conséquence d’augmenter le niveau de bruit ambiant et de réduire les fenêtres temporelles et spatiale d’opportunités pour les bélugas dans le Saguenay, son embouchure et dans l’estuaire maritime », précise le document d’une vingtaine de pages, daté de juillet 2018.

Puisque ces animaux font « un usage intensif des sons » pour accomplir leurs fonctions vitales d’alimentation, de communication et d’évitement des « dangers », l’augmentation du bruit dans leur habitat peut avoir des impacts négatifs significatifs. En fait, l’importance de l’environnement acoustique est telle que le bruit chronique est considéré comme une « dégradation de l’habitat ».

Dans ce contexte, « on ne peut exclure des risques élevés compte tenu de l’état actuel de la population en déclin pour laquelle le bruit a été identifié comme un des facteurs de risques », insistent les chercheurs de Pêches et Océans.

Rétablissement

Les scientifiques soulignent d’ailleurs que le Programme de rétablissement du béluga élaboré par le gouvernement du Canada en vertu de la Loi sur les espèces en péril prévoyait des mesures afin de réduire le bruit dans l’habitat. « Les projets proposés ne contribueront pas à l’atteinte de cet objectif. À l’inverse, l’insonification plus fréquente d’un secteur actuellement peu insonifié (le Saguenay) et l’augmentation de 10 % du trafic dans l’estuaire maritime iront à l’encontre des objectifs de rétablissement et des mesures récemment proposées pour minimiser les effets du stresseur bruit », expliquent-ils dans la conclusion de leur analyse.

« Bien que l’effet de ces projets sur la trajectoire de la population ne puisse être estimé dans le cadre de cet avis, il est fortement improbable qu’ils soient bénéfiques pour les individus ou qu’ils favorisent le rétablissement de la population », ajoutent-ils.

La chercheuse Véronique Lesage, qui a collaboré à la rédaction de l’avis scientifique, souligne aussi au Devoir que l’augmentation prévue du trafic maritime associé à ces deux projets est « non négligeable », surtout dans un contexte où « la préservation d’habitats hautement fréquentés mais peu bruyants » a été clairement déterminée comme une piste de solution pour espérer un éventuel « rétablissement » de cette espèce.

 

Un point de vue que partage Robert Michaud, un spécialiste du béluga qui étudie l’espèce depuis plus de 30 ans. Il précise d’ailleurs que le secteur de la baie Sainte-Marguerite, sur le Saguenay, est relativement peu bruyant et fréquenté assidûment par des femelles accompagnées de leurs jeunes, voire de leurs nouveau-nés. Selon l’avis des scientifiques de Pêches et Océans, « son utilisation pour la mise bas ne peut être exclue ».

Avec l’embouchure du fjord, ces secteurs sont donc, selon M. Michaud, aussi « essentiels » que le secteur de Cacouna, où TransCanada a échoué à construire un port pétrolier d’exportation. « Ce sont tous des secteurs de haute fréquentation », insiste-t-il. Ces habitats font partie de l’« habitat essentiel » du béluga, tel que reconnu par le gouvernement fédéral. La Loi sur les espèces en péril interdit de « détruire » une portion de cet habitat.

Évaluation prévue

L’entreprise GNL Québec, qui pilote le projet Énergie Saguenay, s’est engagée à mener une évaluation des impacts du trafic maritime, en conformité avec les directives de l’évaluation environnementale fédérale, précise sa directrice des communications, Stéphanie Fortin.

« L’étude d’impact de GNL Québec tient compte de tous les effets de la navigation. Un chapitre complet y est consacré et cela faisait partie des directives de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. On y traite notamment des risques, du bruit subaquatique, des mesures de contrôle ainsi que de l’effet cumulatif des autres projets industriels en développement dans le fjord », explique-t-elle dans une réponse écrite. Cette étude sera « soumise bientôt ».

Quant au projet Arianne Phosphate, le gouvernement fédéral, qui est le seul à avoir évalué l’infrastructure portuaire associée à la future mine, a autorisé le projet en octobre dernier. Dans sa décision, la ministre de l’Environnement Catherine McKenna n’a imposé aucune contrainte sur le transport maritime, jugeant simplement que les navires de transport du minerai n’auront pas « d’effet négatif cumulatif » sur le béluga.

Le promoteur du projet, l’Administration portuaire du Saguenay, a toutefois indiqué qu’il sera possible pour Arianne Phosphate d’utiliser des navires qui se rendent déjà aux installations de Rio Tinto Alcan, et ce, afin de réduire le nombre de passages. Un « protocole d’entente » a même été signé entre les deux entreprises « concernant le partage éventuel de services maritimes ».

Sources: Alexandre Shields - Le Devoir

 

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