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Neoline ou le retour du fret à la voile

Neoline ou le retour du fret à la voile

Une jeune entreprise nantaise prévoit de mettre en service d'ici à 2022 deux cargos transatlantiques capables de transporter à la voile 5 000 tonnes de marchandise en treize jours. Premier client connu, le constructeur automobile Renault qui prévoit ainsi de réduire de 6 % son empreinte carbone.

Le transport de marchandises maritime à la voile peut-il renaître plus d’un siècle après son extinction ? C’est le pari plus si fou que ça de Neoline, une start-up nantaise fondée par neuf professionnels de la marine marchande. Depuis 2015, ils s’escriment à convaincre de sa « parfaite viabilité économique», comme le dit son président Michel Péry, qui a passé 40 ans de sa vie à naviguer, dont 26 à commander des navires. «Ce qui pouvait, il y a quelques années, passer pour des élucubrations n’en sont plus, affirme-t-il. Avec l’accélération des exigences environnementales et réglementaires, le transport maritime, qui s’est engagé à réduire ses émissions de CO2 de 50 % à l’horizon 2050, voit désormais la propulsion éolienne comme une véritable alternative d’avenir

Après des années de maturation, l’idée de Neoline est d’ouvrir d’ici 2022 une nouvelle ligne transatlantique régulière entre Saint-Nazaire et le nord-est des États-Unis en treize jours – contre huit jours actuellement pour une propulsion thermique classique –, en réalisant une économie de 90 % sur la consommation de fuel. Dans un secteur marqué des navires de plus en plus grands, contrôlé par une petite poignée d’acteurs mondiaux, il s’agit d’ouvrir le marché en reliant des ports qui jusqu’ici ne l’étaient pas. «On ira certes moins vite à la voile mais, en réduisant le temps de transport terrestre jusqu’au lieu d’embarquement, on peut améliorer le temps de transit, le tout pour un coût final équivalent.»

Colis hors norme

D’une longueur de 136 mètres, les deux futurs «Neoliners» équipés de quatre mâts supportant 4 400 mètres carrés de toile ont été imaginés pour transporter des marchandises impossibles à stocker dans des containers à une vitesse moyenne de 11 nœuds. Des colis hors norme très volumineux et non conteneurisables comme des engins de chantier ou des véhicules agricoles et de manutention qui voyageront sur une nouvelle ligne transatlantique Saint-Nazaire–Bilbao–Charleston–Baltimore–Saint-Pierre-et-Miquelon à raison de deux rotations par mois.

Après avoir sollicité plusieurs chantiers navals européens qui viennent de retourner leurs premiers devis, comme le consortium d’industriels Neopolia, Neoline estime autour de 35 millions d’euros le coût de construction de chacun de ses deux premiers cargos à voile, livrés sous 18 à 24 mois. «La robustesse du modèle s’appuie sur deux points forts, poursuit Michel Péry. D’une part, on ne cherche pas à créer du trafic nouveau mais simplement à capter une petite partie de ce qui existe déjà en le reportant sur une ligne nouvelle. D’autre part, toutes les technologies nécessaires comme les doubles mâts situés au bord du navire pour améliorer la remontée au vent ou les systèmes antidérive existent déjà à une échelle industrielle. C’est seulement la combinaison de l’ensemble qui est nouvelle dans un projet d’armateur dont on garde la maîtrise complète, à la fois technique, commerciale et nautique.»

En novembre dernier, Neoline, qui n’était jusque-là qu’un beau rêve d’architecte naval, a dévoilé le nom de son premier client. Une très grosse touche puisqu’il s’agit du constructeur automobile Renault qui compte utiliser ces cargos pour acheminer chaque année une centaine de véhicules utilitaires produits en France vers Saint-Pierre-et-Miquelon. «A ce stade, c’est marginal en termes de chiffre d’affaires mais le fait que Renault nous fasse confiance va amener à s’engager d’autres partenaires avec lesquels nous sommes en discussions très avancées, explique-t-on au siège nantais de la start-up qui ne compte encore que 3 salariés mais 52 associés qui ont déjà apporté un tour de table de 800 000 euros. Nous avons identifié assez de fret pour assurer notre rentabilité.»

 Limiter l’empreinte carbone du fret maritime

Alors que le fret maritime, toujours en croissance – il vient de dépasser la barre des 10 milliards de tonnes annuelles selon Neoline – représente à lui seul 7 % de la consommation mondiale de pétrole, les initiatives se multiplient pour parvenir à limiter son empreinte carbone. La plupart des gros armateurs misent sur le gaz naturel liquéfié (GNL) qui émet moins de CO2 et de particules mais qui reste une énergie fossile. «C’est une solution temporaire et ils le savent très bien», estime Michel Péry, pour qui l’avenir est à des approches hybrides. Des approches d’autant plus prometteuses que les progrès des prévisions météo permettent d’améliorer le routage de ces cargos et leur consommation de carburant.

Deux autres start-up tricolores se démènent pour faire de la propulsion vélique une solution d’avenir pour le transport maritime. La première, Beyond the Sea, créée en 2007 par l’ancien navigateur en solitaire Yves Parlier, a déjà réuni 15 millions d’euros pour tracter des bateaux de pêche et des porte-conteneurs via de gigantesques ailes similaires à celles des kitesurfs. Elle a réussi à attirer dans ses voiles le géant français du transport maritime CMA-CGM, avec lequel elle a monté un consortium. La seconde, Airseas, fondée par des anciens d’Airbus, promet de faire économiser 20 % de fioul aux navires de commerce grâce à la voile. «Toute cette effervescence de projets est excellente pour un secteur de plus en plus concentré et oligopolistique», conclut Michel Péry. Pour lui, les engagements des industriels à réduire l’empreinte carbone de leur logistique vont doper l’innovation autour de ce qu’il appelle le «travail à la voile». «Après avoir d’abord pris de haut cette vague vélique en la jugeant ridicule et dangereuse au regard des contraintes économiques, conclut-il, on se rend compte qu’il faudrait vraiment être fou pour ne pas s’intéresser à une énergie inépuisable et propre qui a juste fait ses preuves depuis 5 000 ans !» Par une ironie de l’histoire, le progrès technique pourrait permettre de ressusciter une technologie que l’on croyait irrémédiablement condamnée.

 Christophe Alix- Le Monde

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