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On achève bien les goélettes

On achève bien les goélettes

Après avoir été entièrement reconstruite et autorisée par Transports Canada à transporter des passagers à la voile, premier navire du genre à obtenir ce permis dans la province, la Grosse-Île, dernière goélette du Saint-Laurent encore en état de naviguer, a définitivement quitté le Québec. «Je renonce à exploiter le bateau au Québec» a fait savoir son propriétaire, Didier Épars.

En juillet dernier, la municipalité de Tadoussac a signé un bail d’exclusivité de 10 ans avec Croisières AML et interdit de facto l’amarrage de la Grosse-Île sur le quai public pour l’embarquement de ses passagers. La municipalité lui a aussi refusé le droit d’accoster pour faire le plein de carburant. Une façon de s’en débarrasser sans autre forme de procès.

Lorsque la Grosse-Île s’est présenté au quai de Les Escoumins pour remplir ses réservoirs, un inspecteur zélé dépêché par Transports Canada lui a à son tour interdit d’effectuer le plein sur place, sous le prétexte d’un règlement dont personne n’a été en mesure de retrouver la trace dans les textes officiels. Un harcèlement bien difficile à expliquer.

Cet été encore, les organisateurs de Rendez-Vous 2017 ont boudé la Grosse-Île en la tenant à l’écart du rassemblement des grands voiliers dans le port de Québec. Un mépris qui avait quelque chose d’une insulte au patrimoine maritime laurentien et à un homme qui a consacré plus de 25 ans de sa vie à restaurer une goélette du Saint-Laurent.

Construite au chantier Fillion à Saint-Laurent sur l’Île d’Orléans en 1951, Didier Épars a fait l’acquisition de la Grosse-Île en 1992. La goélette a été complètement reconstruite sur le site du Musée maritime de Charlevoix, entre 1995 et 2002, sous la direction de Paul Mailloux, un des derniers (et dit-on, des meilleurs) constructeurs de goélette québécois.

Dès le début de la reconstruction, Didier Épars a pris contact avec Transports Canada pour que la Grosse-Île soit autorisée à transporter des passagers à la voile.  Comme il n’existait pas de norme du genre au Canada, la reconstruction de la Grosse-Île a servi à définir cette nouvelle norme. 

La reconstruction n’a bénéficié d’aucune subvention gouvernementale, à part quelques «Projets d’initiative locale» qui ont payé une partie de la main d’œuvre. 

Remorqué à Québec en 2002 pour recevoir son moteur, la goélette s’y ennuiera tirée au sec pendant huit ans. La subvention promise par le gouvernement péquiste est annulée par l’administration libérale. Gravement malade et à bout de ressource, Didier Épars suspend le chantier.

En 2010 un groupe de marins passionnés du patrimoine maritime contribuent pour 80 000 $ de leur poche afin de relancer le projet. Le bateau a souffert de cette longue période au sec et plusieurs bordés sont déjà à remplacer. Un travail effectué par Didier, avec l’aide de son fils Vincent. D’autres financiers s’impliqueront, espérant qu’il soit possible d’imiter ce qui se fait sur la côte du Maine, où de nombreuses goélettes gagnent très bien leur vie et celle de leur équipage en offrant des sorties à la voile.

Faute des moyens nécessaires pour mettre en place une véritable force de vente, les deux saisons d’exploitation dans les ports de Québec puis de Montréal ne permettront pas de rentabiliser les opérations de la goélette. Les autorités portuaires traitent la Grosse-Île comme tous leurs autres clients. Faciliter la renaissance du patrimoine maritime local ne fait pas partie de leur mandat.

Dans les provinces Maritimes où la goélette est passée cet été, les ports d’Halifax, de Lunenburg et de Shelburne l’ont tous accueilli chaleureusement et lui ont spontanément offert une semaine d’accostage gratuit.

«On ne veut pas de moi ici» a finalement conclu Didier Épars, amer face au traitement qu’on lui a réservé au Québec au cours de la dernière saison. Triste épilogue qui a quelque chose d’un échec collectif et qui témoigne d’un évident manque d’intérêt pour le patrimoine maritime laurentien.

 

Yves Gélinas et Michel Sacco

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