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Le BST juge sévèrement l'industrie d'observation des baleines

Le BST juge sévèrement l'industrie d'observation des baleines

Des accidents cachés, une sécurité déficiente, des sorties en mer effectuées par mauvais temps : le BST tire la sonnette d'alarme quant aux dangers qui règnent sur les canots pneumatiques effectuant des croisières d'observation des baleines dans le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent.

François Dumont, enquêteur principal régional pour le Bureau de la sécurité des transports (BST), est implacable : il s'agit d'une industrie qui évolue en vase clos, qui manque de transparence et qui n'est pas surveillée adéquatement.
Le BST a déposé cette semaine un rapport d'enquête troublant sur un incident survenu au large des Bergeronnes, sur la Côte-Nord.
Le 29 août 2016, une embarcation pneumatique à coque rigide de l'entreprise Croisières Essipit est entrée en collision avec un « objet » que les enquêteurs croient être une baleine bleue. Sous la force de l'impact, un passager et le capitaine ont été éjectés du canot pneumatique. Sept autres personnes se trouvaient à bord.
Le rapport du BST dresse un constat sombre de la sécurité qui régnait à bord de l'embarcation. Aucun système de récupération d'homme à la mer ne se trouvait dans l'embarcation. Les bouées de sauvetage n'avaient pas pu être déployées puisque l'utilisation d'un couteau était nécessaire pour défaire les sangles. Les passagers n'avaient pas été informés quant à la manière d'utiliser l'équipement de secours. Et aucune évaluation des risques n'avait été effectuée par l'opérateur.
Or, selon M. Dumont, il ne s'agit pas d'une situation isolée, mais plutôt d'un exemple des manquements à la sécurité qui existent dans cette industrie.
« On s'est rendu compte que c'est une industrie qui évolue en vase clos, dans une région qui est éloignée des grands centres, donc il n'y a pas d'inspection qui se fait, pas de surveillance », a-t-il souligné en entrevue avec La Presse canadienne.

Pas d'évaluation des risques
Lorsque des embarcations quittent le quai pour observer les baleines, les entreprises ne font qu'observer « aveuglément » la réglementation en vigueur dans le parc marin, « sans évaluer les risques inhérents à leurs opérations », déplore M. Dumont.
Celui-ci cite notamment l'exemple de la vitesse. Bien que les bateaux puissent naviguer à 25 noeuds dans le parc marin, les opérateurs devraient réduire leur vitesse à 10 noeuds dans les eaux où se trouvent des baleines, fait-il valoir.
Pour corriger la situation, le BST interpelle directement Transports Canada. L'organisme demande au ministère d'exiger que les exploitants de navires effectuent une évaluation de risques formelle de leurs opérations et qu'incidemment, des mesures soient prises pour réduire ces dangers.
Le BST déplore également un manque de transparence criant dans l'industrie des croisières d'observation des baleines. « Cette industrie, de manière générale, ne rapporte pas ses accidents », laisse tomber François Dumont.
De 2006 à 2016, huit « événements maritimes » survenus au cours d'excursions d'observation de mammifères marins dans le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent ont été rapportés au BST. Ceux-ci concernaient un navire échoué, des collisions avec un autre bateau ou avec un quai ou encore des blessures subies par des passagers en raison des forts vents.
Il est toutefois clair aux yeux de François Dumont qu'il ne s'agit que d'une portion des accidents qui se sont réellement déroulés. « On a des preuves factuelles qu'il y a bel et bien plusieurs accidents qui n'ont pas été rapportés », clame-t-il.
Bien que tous les « événements maritimes » doivent être déclarés aux autorités compétentes, l'industrie « cache ces événements et garde ça à l'interne », dénonce M. Dumont. « Les risques perdurent et ça nous empêche de faire notre travail et de les aider à améliorer la sécurité. »
Le BST pointe également du doigt le manque de surveillance de l'industrie.
Bien que Transports Canada établisse des limites opérationnelles en fonction de la force du vent et de la hauteur des vagues, « on s'est rendu compte que les opérateurs sortent souvent par mauvais temps en faisant fi de ces limites réglementaires », souligne M. Dumont.
Actuellement, il revient aux entreprises de « s'auto-inspecter ». Bien que le BST n'en fasse pas une recommandation formelle, l'organisme demande à Transports Canada d'envoyer des inspecteurs sur place pour s'assurer que ces embarcations, appelées des « petits bâtiments », respectent les normes en vigueur.

Un constat alarmant
Selon François Dumont, le constat est alarmant. « Tout est bien décrit dans le rapport, insiste-t-il. L'industrie des croisières aux baleines dans le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent a tout intérêt à prendre acte de ce rapport d'enquête et à prendre les mesures nécessaires pour améliorer la sécurité et leur transparence. »
Bien qu'elle remette en question certaines conclusions, Croisières Essipit a « salué » le rapport du BST.
« C'est un pas vers une réglementation uniforme, ce qui était nécessaire », a fait valoir en entrevue Marc Chaloult, coordonnateur Traités et affaires publiques pour le conseil de la Première Nation des Innus Essipit, propriétaire de Croisières Essipit.
Celui-ci a toutefois insisté pour dire que les croisières en canots pneumatiques sont tout à fait sécuritaires. L'incident, qui est à l'origine du rapport du BST, est un événement isolé, a-t-il assuré.
Bien qu'il ait été surpris que le BST élargisse la portée de son enquête à toute l'industrie, M. Chaloult convient que les enquêteurs « n'ont pas eu tort de prendre cette approche-là ». « Mais nous, on a trouvé ça difficile puisqu'ils semblaient nous attribuer tout ce qu'ils reprochaient à tous les autres. »
Selon M. Chaloult, un grand ménage est nécessaire dans la réglementation en vigueur pour aider les opérateurs à y voir plus clair. « Il y a trop de règlements qui sont en contradiction », souligne-t-il, évoquant certains « non-sens » notamment quant aux directives traitant du port de vêtements de flottaison ou encore des certifications pour les urgences en mer.
Mentionnant que l'incident en cause « fait lever des drapeaux », M. Chaloult a dit voir d'un bon oeil l'idée d'avoir des inspections plus poussées effectuées par Transports Canada

 Magdaline Boutros
La Presse Canadienne

 

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